Rémunération variable et fixation d’objectifs

Malgré un certain nombre de prérogatives reconnues à l’employeur en la matière, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser les risques pour l’employeur d’une mauvaise gestion du système de rémunération variable qu’il a mis en place.

Prérogatives de l’employeur en matière de rémunération variable

Faculté de fixation unilatérale des objectifs
La Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité pour l’employeur de fixer les objectifs devant être réalisés par le salarié pour bénéficier de la part variable de sa rémunération. Aux termes de cette jurisprudence, l’employeur a la possibilité, dans le cadre de son pouvoir de direction, de modifier de manière unilatérale les objectifs conditionnant l’octroi par le salarié de sa rémunération variable.

Cependant, la Cour a pris le soin de poser deux conditions :

  • les objectifs fixés doivent être réalisables,
  • les objectifs doivent avoir été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.

Le juge procède donc à une évaluation des objectifs ainsi que de la performance du salarié. Pour ce faire, il tient compte des conditions d’exercice ainsi que de l’autonomie du salarié. Le juge vérifie en outre que les objectifs fixés sont compatibles avec la conjoncture économique.

En revanche, dans le cas où le contrat de travail prévoit une révision des objectifs d’un commun accord, l’employeur est tenu d’engager une négociation selon la périodicité fixée par le contrat de travail et c’est à lui qu’il appartient de prouver qu’il a ouvert des négociations avec le salarié. A défaut d’être en mesure d’apporter cette preuve, l’employeur est tenu au paiement de la prime d’objectif, son montant étant fixé par le juge en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes.

Risques découlant d’une mauvaise gestion du système de rémunération variable par l’employeur

Droit du salarié au paiement intégral de la rémunération variable
La Cour de cassation a jugé qu’à défaut d’objectifs assignés à un salarié pour la détermination de sa rémunération variable, celle-ci doit lui être payée dans son intégralité. Ainsi, si l’employeur peut faire dépendre le paiement d’une partie de la rémunération du salarié de la réalisation d’objectifs qu’il a lui-même fixé de manière unilatérale, cette fraction de salaire sera due au salarié en totalité, faute pour l’employeur de lui avoir précisé les objectifs à réaliser ainsi que des conditions de calcul qui puissent être vérifiées.

Inopposabilité des objectifs fixés dans une autre langue que le français
Enfin, la Cour de cassation qui s’était déjà trouvée confrontée à la question de savoir si l’article L.1321-6 du Code du travail imposant la rédaction en français de « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail » devait être appliqué à des documents fixant les objectifs déterminant la rémunération variable d’un salarié, a eu l’occasion très récemment de confirmer cette jurisprudence.

Dans une affaire semblable, la Cour de cassation a en effet jugé que : « les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle étaient rédigés en anglais, en sorte que le salarié pouvait se prévaloir (…) de leur inopposabilité  ».

Ainsi, à défaut de rédaction en français des objectifs, ceux-ci sont inopposables au salarié qui est alors en droit de demander le paiement intégral de sa rémunération variable, peu important que les objectifs aient été atteints ou non et que le salarié dispose d’une parfaite maîtrise de la langue anglaise comme c’était le cas en l’espèce. Par ailleurs, un licenciement pour non-atteinte d’objectifs qui n’auraient pas été définis en langue française serait nécessairement abusif.

Cette décision peut apparaître sévère à l’égard de l’employeur, dans la mesure où le salarié en question avait accepté la lettre d’objectifs précédente rédigée également en anglais et dans la mesure où l’employeur avait apporté la preuve que le salarié travaillait habituellement dans les deux langues, français et anglais.

Néanmoins, la solution retenue par la Cour de cassation révèle une volonté de protection du salarié, le droit du travail étant notamment caractérisé par une protection de la partie réputée la plus faible. En effet, le fait d’être capable de travailler en anglais ne signifie pas de la part du salarié qu’il dispose d’une connaissance suffisante de cette langue pour en apprécier toutes les subtilités. De plus, s’agissant d’une jurisprudence désormais bien établie, l’employeur aurait été bien inspiré d’en prendre connaissance afin de faire l’économie d’une procédure prud’homale.

Source : http://www.village-justice.com/articles/point-sur-jurisprudence-recente,17167.html

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