Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits déjà sanctionnés

Un compte rendu d’entretien d’évaluation, dans lequel des griefs précis sont formulés à l’encontre du salarié avec la demande qu’il y remédie sans délai, vaut avertissement. Les mêmes faits ne peuvent donc pas donner lieu ensuite à un licenciement.

Un salarié licencié pour des motifs évoqués dans son entretien d’évaluation

Dans un compte rendu d’entretien d’évaluation s’étant tenu le 9 février 2017, l’employeur, un office public de l’habitat, reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires. Il l’invitait ensuite, sans délai, à un changement complet et total.

Le 30 mars 2017, ce même salarié était licencié pour faute grave pour les motifs suivants :

-taux élevé de défauts électriques,

-absence fréquente sur les sites de contrôle,

-dissimulation volontaire de ces difficultés,

-défaut de respect des process en vigueur,

-écarts de comportement avec des collègues ou subordonnés.

Le salarié a contesté son licenciement en soutenant que l’employeur l’avait déjà sanctionné pour ces faits par un avertissement formulé dans le compte rendu d’entretien d’évaluation.

Les juges ont abondé dans son sens.

L’employeur ne peut prendre qu’une seule sanction pour une même faute

Les mêmes faits ne peuvent pas faire l’objet de plusieurs sanctions à l’égard du même salarié. En l’absence de fait nouveau, l’employeur ne peut, par exemple, invoquer un fait déjà sanctionné par un avertissement ou une mise à pied disciplinaire pour justifier le licenciement du salarié (cass. soc. 18 février 2004, n° 02-41622, BC V n° 54 ; cass. soc. 14 novembre 2013, n° 12-21113 D).

Ainsi, dans cette affaire, toute la question était de savoir si le compte rendu d’entretien d’évaluation constituait ou non une première sanction disciplinaire. Si oui, le licenciement fondé essentiellement sur les mêmes faits était donc sans cause réelle et sérieuse.

Le compte rendu d’entretien d’évaluation valait avertissement et excluait un licenciement pour les mêmes faits

Toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié qu’il considère comme fautif est une sanction disciplinaire (c. trav. art. L. 1331-1).

L’avertissement, qui est souvent la sanction disciplinaire la plus « légère », implique en principe uniquement la notification de la sanction, avec l’indication du ou des motifs de cette dernière. Il se distingue des autres sanctions (mis à pied, mutation, rétrogradation, licenciement…) qui ont une incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié et qui, à ce titre, nécessitent de respecter la procédure disciplinaire, avec notamment la convocation à un entretien préalable (c. trav. art. L. 1332-1 et L. 1332-2).

De ce fait, une remarque de l’employeur, selon sa formulation, peut vite être qualifiée en avertissement par les juges. C’est, par exemple, le cas d’un courrier reprochant à un salarié certains manquements et l’invitant y remédier dans les plus brefs délais (cass. soc. 6 mars 2007, n° 05-43698 D).

Dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour de cassation a suivi les juges du fond en considérant que le compte rendu d’entretien d’évaluation du salarié contenant des griefs précis sanctionnait bien un comportement considéré comme fautif et constituait donc un avertissement. De ce fait, les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur.

Le licenciement du salarié, fondé sur les mêmes faits que ceux qui étaient reprochés dans le compte rendu d’entretien d’évaluation, était donc sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision est l’occasion de rappeler que l’employeur qui envisage de sanctionner un salarié doit au préalable passer en revue les comptes rendus d’entretien qui ont pu être rédigés, afin de s’assurer qu’ils ne revêtent aucune connotation disciplinaire.

Cass. soc. 2 février 2022, n° 20-13833 D

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