Le syndicat peut intenter une action en justice en usant de trois biais :
- la défense de ses intérêts propres ;
- dans certains cas limitativement énumérés, la défense des intérêts personnels du salarié (via l’action de substitution) ;
- la défense de l’intérêt collectif de la profession défendue par le syndicat (art. L 2132-3).
La Cour de cassation a récemment procédé à deux « piqures de rappel » sur cette troisième possibilité d’action.
Et pour cause, dans ces contentieux, la première stratégie judiciaire mobilisée par les employeurs est de soulever l’irrecevabilité de l’action en justice du syndicat (pour défaut d’intérêt à agir) au motif que la problématique soulevée ne relève pas de l’intérêt collectif de la profession.
La frontière entre l’atteinte à l’intérêt individuel du salarié et l’atteinte à l’intérêt collectif n’est pas toujours aisée :
- sur la forme, il est fréquent que les yndicat,« se greffe » à l’action intentée individuellement par le salarié en usant de la voie de l’intervention volontaire afin d’obtenir des dommages et intérêts ;
- sur le fond, des mêmes faits peuvent concerner à la fois l’intérêt individuel du salarié et l’intérêt collectif de la profession. La faiblesse du nombre de salariés concernés par l’irrégularité est sans incidence. Seul compte l’enjeu de la question posée au juge (application d’une convention collective, respect de la santé et de la sécurité au travail, etc.).
Dans la première décision (Cass. soc., 29-5-24, n°22-16433 et n°22-18145), la Cour de cassation rappelle que : « la violation […] des dispositions relatives à l’interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession ». Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (en ce sens, Cass. soc., 13-1-21, n°19-17182).
En effet, la prohibition de la discrimination syndicale permet de garantir la liberté syndicale et touche, de ce fait, à l’intérêt collectif de la profession.
Dans la seconde décision (Cass. soc., 29-5-24, n°22-19811), il s’agissait d’une entreprise ayant mal appliqué les coefficients de rémunération d’une convention collective à un salarié.
La Cour de cassation rappelle qu’entre dans le concept d’intérêt collectif de la profession permettant au syndicat d’agir en justice, « l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ».
Pour être recevable à agir à ce titre, le syndicat doit toutefois être vigilant à la formulation de sa demande. S’il peut demander l’application d’une convention ou d’un accord collectif et demander l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l’intérêt collectif de la profession, il ne peut demander au juge de régulariser la situation individuelle d’un salarié (par l’octroi d’un rappel de salaire, d’un repositionnement dans le bon coefficient, etc.). Pour la Cour, une telle action ne pose « aucune question de principe » et ne relève « que de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts » (en ce sens également, Cass. soc., 22-11-23, n°22-11238 ; Cass. soc., 22-11-23, n°22-14807).
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