Le Conseil d’État demande au gouvernement de revoir plusieurs points du projet de loi « avenir professionnel », en raison d’une rupture d’égalité entre assurés. Des remarques qui vont dans le sens de celles déjà émises par FO sur le texte, mais aussi lors de la négociation sur l’accord national interprofessionnel sur l’Assurance chômage. FO revendique le respect du paritarisme, donc le maintien de la gestion par les syndicats et le patronat du régime.
Dans un avis sur le projet de loi formation, apprentissage et assurance-chômage, rendu public après la présentation du texte en conseil des ministres le 27 avril, le Conseil d’État demande au gouvernement de corriger plusieurs dispositions. Des points sur lesquels Force Ouvrière avait déjà réagi, indiquant qu’ils ne respectaient pas l’égalité entre les assurés du régime d’Assurance chômage.
En premier lieu, l’extension du régime d’Assurance chômage à certains indépendants, donc à des non-salariés, soulève une difficulté sérieuse au regard du principe d’égalité entre assurés d’un même régime
, estiment les hauts magistrats.
Car dans le cas des indépendants, l’allocation n’est la contrepartie d’aucune cotisation sociale
, à la différence des salariés. Pour le Conseil d’État, l’« allocation » des indépendants créée par le projet de loi ne s’apparente pas à une allocation mais elle présente plutôt les caractéristiques
d’une prestation non contributive
.
Le projet du gouvernement percuté
Le Conseil d’État choisit donc de définir le revenu de remplacement créé pour les indépendants comme un régime particulier distinct du régime d’assurance
. Ce qui vient bouleverser le projet du gouvernement de faire un régime universel.
Pour conserver le caractère assurantiel de l’Assurance chômage, il faut conserver une cotisation, et y compris l’appliquer pour les indépendants. C’est ce que nous avons défendu lors de la négociation sur l’accord interprofessionnel sur l’assurance chômage et c’est aussi la position que nous avons fait valoir auprès du gouvernement
, indique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO.
Le Congrès confédéral l’a rappelé en s’opposant à ce que l’indemnisation des « indépendants » puisse conduire à un « sous-droit » à l’assurance chômage, comme à une baisse des droits actuels.
Inégalités autour de l’offre raisonnable d’emploi
Autre remarque des hauts magistrats : Le projet de loi du gouvernement permet d’imposer à des demandeurs d’emploi présentant les mêmes caractéristiques des obligations très différentes en ce qui concerne la définition de l’offre raisonnable d’emploi.
Il autorise ainsi un demandeur d’emploi à refuser des offres ne correspondant pas à son niveau de qualification, alors qu’un autre demandeur d’emploi n’aurait pas la même possibilité
.
Pas de garanties suffisantes contre le risque d’arbitraire
Le Conseil d’État estime en conséquence que le projet de loi ne présente pas des garanties suffisantes contre le risque d’arbitraire
.
Là encore le projet de loi porté par le gouvernement ne respecte pas l’égalité entre assurés.
L’égalité doit être respectée, dit FO
Sur l’offre raisonnable d’emploi, nous avons de nouveau une distorsion de l’égalité, confirme Michel Beaugas, d’un bout à l’autre de la France, la définition de l’adéquation de l’offre d’emploi avec le profil de l’allocataire dépendra de sa relation avec son conseiller et non de critères objectifs.
Impensable pour FO.
Enfin, concernant le financement de l’Assurance-chômage, le Conseil d’État épingle le glissement d’un régime assis sur des cotisations salariales et patronales, vers un système financé par l’impôt — en raison du remplacement des cotisations salariales par la CSG et de la baisse des cotisations patronales d’assurance-chômage, avec la transformation du CICE.
Impôt versus cotisations
Il s’agit là d’une modification totale de la philosophie du système, sur laquelle les hauts magistrats invitent le gouvernement à approfondir sa réflexion
.
Le Conseil d’État engage en particulier l’exécutif à se pencher sur la cohérence des modalités de financement des régimes avec les prestations qu’ils servent
, et à tirer toutes les conséquences de la part prise par les impositions dans le financement de la protection sociale obligatoire
. Car historiquement les prestations sociales sont liées au versement de cotisations.
C’est ce que le Congrès confédéral a rappelé en réitérant son attachement à la cotisation sociale comme source de financement du régime et en condamnant ainsi le financement par l’impôt en lieu et place de celle-ci, garante d’un système assurantiel.
Une attaque contre le paritarisme
Nous avions souligné le risque d’inconstitutionnalité, car toute prestation sociale doit être soumise à une cotisation
, rappelle Michel Beaugas.
Ce glissement vers l’impôt, c’est aussi et surtout une attaque contre le paritarisme
. C’est-à-dire une offensive contre la gestion des régimes sociaux, ici de l’assurance chômage, par les syndicats et le patronat, légitimes à gérer le « salaire différé » que sont les cotisations versées par les salariés.
L’enjeu est de taille. C’est bien de la défense de notre modèle de protection sociale qu’il s’agit
, souligne Michel Beaugas.
FO en première ligne pour défendre l’Assurance chômage
Il s’agit de pouvoir continuer à négocier librement les conventions d’Assurance chômage, les niveaux de cotisation et les conditions d’indemnisation, dans l’intérêt des salariés
, explique-t-il.
Le risque, si nous ne défendons pas ce système, c’est que l’État nous contraigne à baisser le niveau de l’indemnisation. Et ça, nous n’en voulons pas à Force Ouvrière
, prévient le secrétaire confédéral FO.
Nous avons porté nos revendications devant le ministère, nous les porterons auprès des députés et des sénateurs.
L’examen parlementaire du projet de loi « avenir professionnel » débutera le 29 mai en commission sociale des finances. L’adoption définitive du texte est prévu à l’été.
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