Requalification d’une démission en prise d’acte de rupture

Un(e) salarié(e) qui motive sa démission par l’attitude fautive de son employeur ou l’inexécution par ce dernier de ses obligations contractuelles ou conventionnelles peut tenter d’obtenir aux prud’hommes la « requalification » de cette rupture en prise d’acte de la rupture (cass. soc. 15 mars 2006, n° 03-45031, BC V n° 109).

La prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient (cass. soc. 30 octobre 2007, n° 06-43327, BC V n° 177 ; cass. soc. 28 septembre 2022 n° 20-21499 D). Pour qu’elle soit justifiée, les faits fautifs ou manquements reprochés à l’employeur doivent être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle (cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236, BC V n° 80 ; cass. soc. 5 juillet 2017, n° 16-11520 D).

Les juges ont ainsi conclu à un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

  • lorsque la démission était motivée par le non-respect par l’employeur de l’obligation de fournir le travail convenu (cass. soc. 3 novembre 2010, n° 09-65254, BC V n° 252)
  • par le non-paiement, à leur échéance, des rémunérations dues au salarié (cass. soc. 18 novembre 1998, n° 96-42932, BC V n° 495 ; cass. soc. 6 juillet 2022, n° 20-21690 D).

Prise d’acte de rupture

La prise d’acte n’est pas subordonnée à l’octroi d’un délai à l’employeur pour régulariser les manquements commis.

Référence : Cass. soc., 1-3-23, n°21-14625

Ainsi, il ne peut être reproché au salarié de ne pas avoir demandé à l’employeur de mettre fin aux manquements avant de prendre acte de la rupture.

[Droit] Prise d’acte et résiliation judiciaire

La loi « Marché du travail » est venue durcir les règles relatives à l’abandon de poste. Ce procédé n’étant bientôt plus une option, va nécessairement entraîner un changement des pratiques sociales avec une popularisation de deux mécanismes jusqu’alors méconnus : la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et la résiliation judiciaire.

Prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture unilatérale du contrat, accordé au seul salarié. Cette hypothèse se présente, lorsque le salarié quitte son entreprise en imputant son départ à des actes de l’employeur constituant des manquements graves aux obligations contractuelles ou légales de celui-ci et empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

Cette forme de rupture va permettre de débloquer des situations dans lesquelles l’employeur ne respecterait pas le contrat de travail, mais pour autant ne prendrait pas l’initiative d’un licenciement.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, rompt immédiatement le contrat de travail. Du fait de cette rupture immédiate, le salarié ne peut pas se rétracter postérieurement mais qui plus est, toute initiative postérieure à la prise d’acte de la part de l’employeur (ex : licenciement) est non avenue.

La prise d’acte est possible notamment dans les cas suivants :

  • Non-paiement de tout ou partie du salaire ;
  • Discrimination ou harcèlement commis par l’employeur ;
  • Modification du contrat de travail sans l’accord du salarié ;
  • Absence d’organisation des visites médicales obligatoires (sauf si l’absence de visite médicale est due à une simple négligence de l’employeur).

Toutefois, la prise d’acte de rupture n’est pas possible durant la période d’essai.

Ce mode de rupture n’obéit à aucun formalisme strict. Toutefois, le salarié doit prévenir l’employeur par un courrier listant les reproches justifiant la prise d’acte. L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige. Le juge va examiner les manquements invoqués par le salarié même s’ils ne figurent pas dans un écrit.  En revanche, ne pourront être invoqués que les manquements connus par le salarié avant sa décision de prise d’acte.

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