Prise d’acte et résiliation judiciaire

La loi « Marché du travail » est venue durcir les règles relatives à l’abandon de poste. Ce procédé n’étant bientôt plus une option, va nécessairement entraîner un changement des pratiques sociales avec une popularisation de deux mécanismes jusqu’alors méconnus : la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et la résiliation judiciaire.

Prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture unilatérale du contrat, accordé au seul salarié. Cette hypothèse se présente, lorsque le salarié quitte son entreprise en imputant son départ à des actes de l’employeur constituant des manquements graves aux obligations contractuelles ou légales de celui-ci et empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

Cette forme de rupture va permettre de débloquer des situations dans lesquelles l’employeur ne respecterait pas le contrat de travail, mais pour autant ne prendrait pas l’initiative d’un licenciement.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, rompt immédiatement le contrat de travail. Du fait de cette rupture immédiate, le salarié ne peut pas se rétracter postérieurement mais qui plus est, toute initiative postérieure à la prise d’acte de la part de l’employeur (ex : licenciement) est non avenue.

La prise d’acte est possible notamment dans les cas suivants :

  • Non-paiement de tout ou partie du salaire ;
  • Discrimination ou harcèlement commis par l’employeur ;
  • Modification du contrat de travail sans l’accord du salarié ;
  • Absence d’organisation des visites médicales obligatoires (sauf si l’absence de visite médicale est due à une simple négligence de l’employeur).

Toutefois, la prise d’acte de rupture n’est pas possible durant la période d’essai.

Ce mode de rupture n’obéit à aucun formalisme strict. Toutefois, le salarié doit prévenir l’employeur par un courrier listant les reproches justifiant la prise d’acte. L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige. Le juge va examiner les manquements invoqués par le salarié même s’ils ne figurent pas dans un écrit.  En revanche, ne pourront être invoqués que les manquements connus par le salarié avant sa décision de prise d’acte.

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes qui dispose en théorie d’un mois pour rendre sa décision.

Il incombe au salarié de rapporter la preuve des manquements de l’employeur, par conséquent lorsqu’un doute sur la réalité des faits allégués subsiste, il profite à l’employeur.

Les conséquences de la prise d’acte de la rupture du contrat varient en fonction de la décision du juge :

  • Si les manquements invoqués par le salarié sont jugés suffisamment graves et empêchent la poursuite du contrat, la prise d’acte prendra les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, le salarié pourra prétendre à l’octroi des indemnités correspondant au licenciement abusif ;
  • Si les manquements ne sont pas suffisamment graves et n’empêchent pas la poursuite du contrat, la prise d’acte de la rupture du contrat prendra les effets d’une démission. Dans ce cas, le salarié versera à l’employeur une indemnité compensatrice de préavis. Le salarié versera également la somme prévue en cas de clause de dédit-formation.

La résiliation judiciaire

Tout salarié peut saisir le conseil des prud’hommes pour demander la résiliation de son contrat de travail lorsqu’il constate que l’employeur ne respecte pas son engagement contractuel.

 En cas de gain de cause, la rupture équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le cas échéant, le contrat de travail poursuit ses effets.

Selon la jurisprudence, il suffit que les manquements dénoncés soient « suffisamment graves » pour que le contrat de travail ne puisse plus continuer entre les deux parties.

La résiliation judiciaire ne connait pas de procédure particulière si ce n’est la saisine du conseil des prud’hommes. Durant toutes les démarches, les deux parties doivent maintenir la relation contractuelle.

Il appartient en principe au salarié de prouver la gravité des manquements aux obligations contractuelles par l’employeur. L’existence d’un doute profitera à l’employeur.

  • Que choisir entre la prise d’acte et la résiliation judiciaire ?

En cas de prise d’acte, le salarié ne travaille plus du jour au lendemain et ne perçoit pas directement des indemnités liées au chômage. Le salarié se retrouve donc dans une situation de précarité. De plus, s’il est débouté par le conseil des prud’hommes, la rupture produira les effets d’une démission et donc le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis par le salarié. La prise d’acte représente un risque non négligeable.

En cas de demande de résiliation judiciaire, non seulement le salarié continue à travailler pendant toute la procédure, mais s’il est débouté, la relation de travail se poursuit. Néanmoins, cette option nécessite une certaine force psychologique du salarié, qui devra exécuter son contrat de travail tout en affrontant son employeur en justice.

A noter qu’il est possible de saisir le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire, puis si la situation de travail se dégrade et devient insupportable pour le salarié, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Dans cette hypothèse, la prise d’acte va primer. Le juge ne se prononcera plus sur la demande de résiliation judiciaire. Pour autant, il appartient au juge de fonder sa décision sur les manquements invoqués par le salarié, tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet, qu’à l’appui de la prise d’acte.

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