[Dossier] Transformation numérique et vie au travail – Chapitre 4 : Le télétravail

LE TELETRAVAIL

Constat

Le télétravail a initialement buté contre la culture du contrôle par la présence physique au travail mais semble à présent prendre son essor, concernant 8% des salariés en 2006, il en représentait 16.7% en 2012.

Cette diffusion incite à une approche plus collective de la mise en place du télétravail dans l’entreprise. Parallèlement, il s’est diversifié et a pris des formes nouvelles faisant correspondre à la notion de travail à distance des réalités multiples. Son développement suscite d’une part une réelle appétence et une attente d’amélioration, d’autre part des risques avérés parfois non évités et des lacunes quant à son statut.

Le point sur la législation

L’accord cadre européen du 16 juillet 2002 qui a préfiguré notre Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail envisageait déjà « le meilleur parti » qui pouvait être tiré de la société de l’information. Cette construction s’est établie autour d’un équilibre de flexibilité et de sécurité pour que cette nouvelle organisation du travail renforce la qualité des emplois.

La définition même du télétravail retient le critère d’utilisation régulière des technologies de l’information (et de la communication dans sa définition législative) plaçant ainsi résolument ce mode de travail dans l’ère du numérique. Corrélativement, elle insiste sur son caractère volontaire, l’accord commun des parties étant indispensable à sa mise en place. Ce caractère librement négocié et accepté se traduit par la contractualisation du télétravail par le contrat de travail ou un avenant à celui-ci. Il apparaît également à travers le principe de réversibilité qui prévoit la possibilité du retour du salarié dans les locaux de l’entreprise. Ce
principe était une des revendications portées par FO-Cadres lors de la négociation de l’ANI. Consciente des tensions potentielles induites par ce changement, elle ne l’a pas érigé en modèle universel et l’a assorti de domaines essentiels nécessitant une vigilance particulière telle que la protection des données, la vie privée, la santé et la sécurité, etc.

Cet ANI a été légalisé par la loi du 22 mars 2012, soulignant par l’article L1222-10 du code du travail les obligations qui s’ajoutent à celles de droit commun pour l’employeur vis-à-vis des télétravailleurs. Le législateur a ainsi accompagné ce changement de mise en œuvre du contrat de travail tout en veillant à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Face au développement du télétravail, et afin de lutter contre une pratique non contractualisée, la loi doit accompagner au plus près ce mode de travail sans pour autant remettre en cause la base du volontariat.

Ce que dit le rapport Mettling (Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, chargé des ressources humaines)

Le rapport Mettling vise spécifiquement le télétravail dans deux préconisations.

Préconisation n°26 : Diffuser un certain nombre de bonnes pratiques observées quant à la mise en oeuvre de l’organisation du travail à distance, adapter le Code du travail relatif au télétravail

• « Diffuser […] (les) bonnes pratiques »

Le rapport préconise notamment de « déléguer une certaine autonomie et renoncer à une partie du contrôle ». Ainsi, « le contrôle directement issu de l’exploitation des données de connexion du salarié [est] encadré par un droit et devoir de
déconnexion et une limite des heures de disponibilité du managé à distance.»
Le contrôle du travail par la présence tend à se reporter, en situation de télétravail, sur le contrôle par le résultat. La relation de confiance essentielle à ce mode de travail ne supprime pas le contrôle du « bon investissement du salarié » qui est notamment appréciable au regard des données de connexion. Le corolaire de ce contrôle légitime de l’employeur est le droit et le devoir de déconnexion du salarié. Le rapport insiste sur la nécessaire co-construction de celui-ci.

Ce que pense FO-Cadres

Les bonnes conduites identifiées par le rapport visent notamment le risque d’isolement qui peut découler du travail à distance. L’isolement des salariés contribue au délitement du collectif de travail et à la perte du sentiment d’appartenance à l’entreprise. Cela peut constituer un manque substantiel pour le développement économique des entreprises. De plus, la prise de conscience d’une capacité relative d’indépendance de travail interroge sur la nécessité du maintien de la relation contractuelle sous la forme du salariat. Or, si cette dernière implique une subordination à l’employeur, elle comporte également une protection majeure pour le salarié. Sa mise en place à une échelle de plus en plus collective n’efface pas le fait qu’il ne constitue pas l’organisation de travail la plus efficiente pour toutes les entreprises ni pour tous les travailleurs. Le monde du travail manquerait de flexibilité s’il plébiscitait un modèle unique, il est donc essentiel que le télétravail demeure choisi par les parties contractantes. Il ne faut pas confondre l’autonomie avec l’indépendance, ni exiger le glissement de la première vers la seconde. L’essor de cette pratique ne fragilise pas le salariat puisqu’il en est une forme et non un modèle concurrentiel.

Ce que dit le rapport Mettling

• « Adapter le code du travail »

Le rapport souligne la dimension de plus en plus collective de la mise en œuvre d’une telle organisation de travail . Il incite à une modification du Code du travail pour assurer une adaptation plus souple et rapide des obligations de l’employeur à la diffusion des technologies. Le cumul des règles de droit commun à celles spécifiques au télétravail établit un cadre désormais trop rigide pour une organisation qui justement se veut flexible et innovante. Le rapport suggère l’autorisation du principe d’expérimentation afin d’être plus en adéquation avec les technologies actuelles.

Ce que pense FO-Cadres

Cette adaptation est une opportunité pour consacrer la place du télétravail régulé et négocié en tant que mode d’organisation particulière du travail salarié, qui induit des devoirs et des droits.
Cela permettra de lutter plus efficacement contre une pratique de travail à distance non couverte par le contrat de travail. C’est une opportunité pour préciser les dispositions législatives qui autorisent le recours au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles et de force majeure afin d’éviter tout usage abusif qu’imposerait le télétravail.

FO-Cadres approuve le renforcement de l’existence juridique du télétravail en tant que mode d’organisation du salariat choisi par les parties contractantes.
Pour réduire le risque d’isolement inhérent au télétravail, FO-Cadres recommande notamment un temps de présence en entreprise supérieur au temps de travail hors entreprise.

Ce que dit le rapport Mettling (Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, chargé des ressources humaines)

Préconisation n°28 : Poser le principe de la présomption d’imputabilité à l’employeur en cas d’accident du travailleur à distance

Ce que pense FO-Cadres

Ce point illustre le risque que peut représenter le développement empirique d’un statut sans accompagnement législatif adapté. Cette présomption existe déjà mais ne recouvre que les situations de travail classique. Ce flou juridique incite à demeurer vigilant lors de l’émergence et de la construction d’un nouveau statut, son apparition juridique doit être accompagnée, au même rythme, par les dispositions relatives à la protection des salariés. Ce manque constitue une
entrave tant pour l’employeur que pour le salarié. Il est nécessaire d’assurer une protection claire et établie des télétravailleurs pour permettre le développement de ce mode de travail dans des conditions acceptables et sécurisées.

FO-Cadres préconise l’extension du cadre légal à ces télétravailleurs pour sécuriser ces situations de travail.

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