L’économie collaborative, le droit et le salariat

En 2009, Elinor Ostrom devenait la première femme à recevoir le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la théorie des biens communs qui reconnaît internet comme un nouveau commun.  A ce titre, elle notait que les sites de partage avaient su développer le respect et la confiance nécessaires au succès des plateformes. Celles-ci ont également prospéré grâce au partage et à la solidarité sur lesquels elles se construisent.

Fortes de ces valeurs, les plateformes de l’économie collaborative s’accordent le droit de s’exonérer des règles qui régissent l’économie classique. Au contraire, leur essor appelle un encadrement juridique doublement adapté à leur nature.

Tout d’abord, encadrer ne signifie pas prohiber ou contrarier. L’économie collaborative est protéiforme. Ainsi, certaines de ses émanations sont des opportunités quant à la valorisation des compétences, la transparence de l’information par la reconnaissance des pairs ou le développement de entrepreneuriat. Il s’agit alors de créer un cadre qui ne l’étouffe pas en luttant vainement contre les disparitions induites par les innovations d’usage qu’elle génère. De même, ce cadre ne doit pas la dénaturer en qualifiant tout travail collaboratif de travail salarié. En effet, l’économie collaborative repose sur une dynamique de partage, de souplesse et de gain qui lui est propre et qui induit une approche différente du travail.

Néanmoins, les valeurs auxquelles elle est assimilée ne confèrent pas à l’économie collaborative un détachement total des règles qui régissent notre économie globale. La connotation vertueuse des plateformes ne justifient pas la concurrence déloyale qu’elles constituent en l’absence de charges fiscales et sociales. De plus, son essor ne doit pas non plus se traduire par une précarisation, sociale notamment, des collaborateurs des plateformes.

Ces derniers concentrent l’enjeu du débat qui interroge l’économie collaborative et le modèle social qu’elle propose. FO-Cadres lors du colloque Sharers & Workers du 14 janvier dernier qui portait sur ce sujet, a rappelé son attachement au modèle social de la Sécurité Sociale et son mode de financement. Elle a également attiré l’attention sur les protections garanties aux indépendants, le devoir d’information, de transparence des plateformes vis à vis des utilisateurs et l’accompagnement nécessaire de cette nouvelle économie.

Une ligne jurisprudentielle constante identifie le contrat de travail à partir d’une prestation de travail, effectuée dans le cadre d’un lien de subordination, en échange d’une rémunération. L’économie collaborative amène à s’interroger sur l’indépendance du travailleur, même autoentrepreneur, dont l’activité dépend intégralement, tant par ses modalités que par les bénéfices qu’elle génère, d’une plateforme sur laquelle il n’a pas de prise.

Au-delà de la requalification ou de la dissimulation d’activité qui réprouve un usage abusif du statut d’autoentrepreneur, l’activité des plateformes doit s’intégrer de façon pérenne et constructive au sein de l’économie globale. FO-Cadres souligne que l’usage apparemment mature et l’aspiration au partage local que manifeste le succès des plateformes collaboratives ne doit pas masquer l’enjeu social que porte l’accompagnement de cette nouvelle économie.

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