Témoignages anonymes

Jusqu’à récemment, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation refusait au juge la possibilité de fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Lorsqu’un salarié fait l’objet de reproches fondés sur des témoignages émanant de collègues
souhaitant rester anonymes, ces éléments peuvent désormais être pris en compte lors d’un contentieux prud’homal sous certaines conditions.

Les faits

Un salarié licencié pour faute grave contestait la validité de deux constats d’huissier contenant des témoignages anonymes qui dénonçaient son comportement agressif. La Cour d’appel avait écarté les témoignages anonymisés et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute pour l’employeur
d’avoir fourni d’autres pièces que les témoignages anonymes.

La Cour de cassation casse le jugement de la Cour d’appel et apporte une nouvelle pierre à sa jurisprudence

Les hauts magistrats considèrent qu’il revient au juge d’apprécier, dans chaque cas, si l’anonymisation est justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi, notamment à la lumière des principes du droit à un procès équitable et du droit à la preuve. La Cour de cassation considère que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte au principe d’égalité des armes, à condition que cette production soit indispensable à son exercice, que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Elle rappelle que l’utilisation de témoignages anonymes peut être admise dès lors qu’elle répond à une nécessité impérieuse, comme la protection de la santé ou de la sécurité des salariés témoins. La Cour
souligne que plusieurs éléments de contexte doivent être pris en considération :

  • les témoignages ont été recueillis par un huissier de justice dans des conditions garantissant leur fiabilité ;
  • la gravité des faits reprochés (violences, menaces, intimidations) justifiait la crainte légitime des témoins ;
  • en vertu de son obligation de sécurité (C. trav., art. L. 4121-1) l’employeur devait agir à la fois
    pour sanctionner le comportement de la salariée et garantir la protection des témoins.

Réf : Cass. Soc., 19 mars 2025, n° 23-19.154

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