L’avenir incertain de la révolution numérique et robotique

Difficile pour le moment d’évaluer les impacts de la révolution numérique en œuvre actuellement. Mais tout le monde s’accorde sur le fait que d’immenses changements sont en cours dans le monde du travail. Des transformations que les politiques publiques doivent anticiper afin que personne ne soit laissé sur le carreau.

Le 23 mars 2017, Redwood City, une ville de 80 000 habitants dans la Silicon Valley, a vu apparaître sur ses trottoirs une flotte de livreurs de repas d’un nouveau genre. La start-up DoorDash y a déployé des robots qui peuvent transporter jusqu’à 10 kilos de marchandises. Équipés de six roues et de neuf caméras, ils sont capables de grimper sur les trottoirs et d’éviter les collisions. DoorDash assure que ces robots ne remplaceront pas les coursiers travaillant déjà pour l’entreprise, mais pour combien de temps ?

De l’autre côté du Pacifique, des robots employés de bureau se multiplient. Fukoku Mutual, une compagnie d’assurance japonaise, est en passe de déployer des robots capables de scanner les fichiers des hôpitaux pour évaluer les remboursements et gérer l’historique médical ainsi que la partie administrative. Un robot peut remplacer 34 salariés. Ces derniers verront leur emploi se transformer : ils exploiteront les données récoltées par les robots.

Moins d’emplois d’ici 2025 ?

Une nouvelle révolution se déroule sous nos yeux : celle de la robotisation et de la numérisation de la société et particulièrement du monde du travail. En quoi les robots d’aujourd’hui sont-ils différents que ceux des années 1970 ? La révolution informatique est passée par là. Elle a permis l’émergence de robots logiques et algorithmiques pilotant des robots physiques. C’est ce que Bill Gates, patron de Microsoft, a qualifié en 2014 de Software substitution que l’on peut traduire par substitution logicielle. Le patron de Microsoft avait alors expliqué : Que ce soit pour les conducteurs, les serveurs ou les infirmières, cette technologie réduira d’ici 2025 le besoin d’emplois, en particulier pour les professions les moins qualifiées.

Quels emplois sont menacés ?

Combien de métiers disparaitront et combien de métiers apparaîtront ? Difficile à dire pour le moment. Études et points de vue contradictoires se succèdent. Une situation qui rend mal aisée la définition des impacts et les politiques publiques à mener.

En 2013, une recherche effectuée par deux chercheurs d’Oxford estimait que près de la moitié des emplois américains étaient menacés. En septembre 2016, France Stratégie évaluait à 3,4 millions le nombre d’emplois français en péril. En janvier 2017, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) chiffrait à moins de 10 % les emplois cumulant des vulnérabilités qui pourraient en menacer l’existence dans un contexte d’automatisation. Avant d’ajouter que la moitié des emplois existants pourrait voir son contenu notablement ou profondément transformé. Le progrès technologique continuerait à favoriser l’emploi qualifié et très qualifié.

Les emplois les plus menacés : les métiers pas ou peu qualifiés. Particulièrement les ouvriers non qualifiés des industries de process (l’industrie papetière, l’agroalimentaire, les industries chimiques, les industries pharmaceutiques), les ouvriers non qualifiés de la manutention, les ouvriers non qualifiés du second œuvre du bâtiment, les agents d’entretien, les ouvriers non qualifiés de la mécanique, les caissiers. On peut trouver aussi quelques métiers qualifiés tels que les ouvriers qualifiés de la mécanique et les ouvriers qualifiés des industries de process. Quant aux métiers susceptibles d’évoluer, ils relèvent davantage du secteur des services (conducteurs, aides-soignants, vendeurs, employés administratifs).

À contrario du COE, l’économiste Daniel Cohen estime que le critère le plus important n’est pas la qualification mais le caractère routinier ou non des taches. Avant de conclure que les plus touchées seront les professions intermédiaires, donc la classe moyenne.

L’économie de plateformes

Un autre volet concerne cette révolution numérique, celle de l’émergence de l’Internet et de la collecte à grande échelle des données personnelles. Ce qu’on appelle l’économie de plateforme, rendue possible par la connectivité des tablettes, smartphones, ordinateurs et instruments de domotique.

Une nouvelle économie qui selon une étude de l’Institut syndical européen (Etui) a fait émerger sur le marché du travail un nouvel acteur : la foule disponible 24h/24 et 7j/7, disséminée sur la planète entière, ou presque, et prête à travailler à des tarifs extrêmement bas.

On connaît les sites de type Uber et Airbnb, qui entrent en concurrence avec des emplois professionnels et régulés. Une situation qui pose un dilemme aux organisations syndicales. Faut-il défendre ces emplois traditionnels ou prioritairement organiser ces nouveaux travailleurs précaires ? Le piège pour les syndicats, selon l’Etui, serait de choisir entre l’une ou l’autre partie de la question.

Organiser les travailleurs

Mais d’autres plateformes sont également dans la ligne de mire de l’institut syndical européen. Ces plateformes de microworking qui emploient des « indépendants » pour de la traduction, de la modération de contenus, de la réalisation de sondages ou du renommage de grandes quantités de fichiers.

Selon l’Etui, le microworking constitue sans doute l’enjeu le plus important pour les organisations syndicales. Droit du travail et syndicats y étant presque totalement absents. L’un des enjeux est d’organiser les travailleurs au-delà de leur statut et de leur pays […] et de faire entrer dans ces usines virtuelles les principes de l’action collective., indique l’Etui.

En 2013, la Banque mondiale a décompté 145 plateformes de travail en ligne qui emploieraient 50 millions de travailleurs. Des chiffres sans doute largement dépassés aujourd’hui.

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