Correspondance privée en entreprise

Le rappel à l’ordre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
Pour la 1ère fois, la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est prononcée sur la possibilité pour une entreprise privée de rompre le contrat d’un de ses salariés en se fondant sur ses communications personnelles dont elle avait surveillé le contenu.[1] Il s’agit d’un cas d’utilisation personnelle d’un compte de messagerie professionnelle sur les temps et lieu de travail.

Le droit au respect de la vie privée et familiale

La CEDH reproche aux autorités nationales de ne pas avoir correctement protégé le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance du salarié, comme le prévoit l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Pour cela, il aurait fallu :

  • Avertir le salarié que ses communications seraient susceptibles d’être surveillées, avant que la surveillance ne soit mise en place
  • Prendre en compte la nature, l’étendue de cette surveillance et le degré d’intrusion dans la vie privée et la correspondance du salarié

3 vérifications obligatoires

Par cet arrêt, la CEDH rappelle que les juridictions doivent procéder à 3 vérifications :

  • S’interroger sur les raisons spécifiques qui justifient la mise en place des mesures de surveillance
  • Vérifier s’il n’était pas possible de mettre en œuvre des mesures moins intrusives pour la vie privée et la correspondance du salarié
  • S’assurer que l’accès au contenu des communications n’est pas possible à l’insu du salarié

Si les juges ne contrôlent pas ces éléments, ils commettent un manquement à leur obligation de protéger le droit au respect de la vie privée et de la correspondance. Il en ressort que l’employeur a le droit de surveiller les communications électroniques de ses salariés sous certaines conditions.

Quelles incidences en droit français ?

Cette décision ne devrait pas avoir de conséquences majeures en France où le secret des correspondances et le respect de la vie privée des salariés sont protégés par la jurisprudence. Elle prévoit déjà que l’employeur ne puisse ni réduire à néant l’exercice de la vie sociale du salarié au travail, ni porter une atteinte excessive et disproportionnée à ces principes. Elle a aussi clairement établi le principe de loyauté de la preuve. Ainsi,

Les connexions internet : Elles sont présumées avoir un caractère professionnel si la connexion est celle de l’outil de travail, au temps et lieu de travail. L’employeur peut donc avoir accès à l’historique des connexions sans l’accord du salarié.

Les dossiers et fichiers : Ils sont présumés avoir un caractère professionnel. Cette présomption tombe lorsqu’ils sont identifiés comme personnels (« perso », « privé » ou « personnel »). L’employeur ne peut les ouvrir qu’en présence du salarié ou après l’avoir appelé sauf en cas de risques ou d’événements particuliers.

La clef USB : Connectée à l’ordinateur, elle est analysée comme un élément de celui-ci. Il en résulte que ses dossiers sont par défaut considérés comme professionnels sauf s’ils sont identifiés comme personnels. Pour les objets connectés, l’accessoire (ces objets) suit le principal (la présomption du caractère professionnel de l’ordinateur) a priori.

Les courriels : Ils sont présumés professionnels dès lors qu’ils sont reçus sur la messagerie professionnelle. L’employeur peut donc le consulter en l’absence du salarié à moins qu’ils ne soient identifiés comme personnels. En revanche, ceux qui relèvent de la messagerie personnelle du salarié mais consultés grâce à l’outil informatique professionnel sont protégés par le secret des correspondances.

[1] CEDH, 5/09/17 affaire Bărbulescu c. Roumanie (requête n° 61496/08)

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