Evaluation des salariés : Un encadrement renforcé des méthodes s’impose

L’ évaluation des salariés est un outil managérial fréquemment utilisé par les entreprises, permettant de porter un jugement sur le travail accompli par le salarié, mais aussi sur sa performance et ses compétences au cours d’une période donnée. Apparu dans les années 80 et uniquement destiné aux cadres de certaines entreprises, cet outil s’étend aujourd’hui à l’ensemble du monde du travail. Selon une étude du centre d’analyse stratégique en 2011, l’ évaluation des salariés constituait un outil privilégié pour  environ 77% des entreprises privées.

Depuis, plusieurs méthodes d’évaluation, dont l’encadrement juridique s’avère plus que nécessaire, ont vu le jour.En effet, si l’ évaluation des salariés est un droit pour l’employeur, la protection de la santé des salariés doit avant tout être assurée. Or, force est de constater que malgré l’existence de certaines limites légales et jurisprudentielles s’imposant aux employeurs en matière d’évaluation, certaines méthodes comportent des risques psychosociaux pour les salariés et notamment pour les cadres. Il semblerait que les salariés évalués soient 7% de plus à être stressés par rapport aux salariés non évalués (centre d’analyse stratégique 2011).

Parmi ces méthodes, le 360 degrés est importé des états unis et utilisé en France depuis les années 80. Il est principalement utilisé pour les managers, les responsables de projet, parfois pour les agents de maîtrise et consiste dans un premier temps à une auto-évaluation par le salarié au moyen d’un formulaire préétabli. Dans un second temps, il est évalué par ses collègues de travail, ses subordonnés et/ou ses supérieurs hiérarchiques. Le groupe d’évaluateurs peut même être élargi aux clients et fournisseurs ; On parle alors d’évaluation à 540 degrés. Lorsque celle-ci est restreinte au seul salarié et à son supérieur hiérarchique, il s’agit de l’évaluation à 180 degrés.

Par ailleurs, le 360 degrés qui peut a priori paraître adapté  (les salariés voyant en leur chef l’intégralité de la pratique managériale et étant directement concernés) connait de nombreux risques:

–  Les salariés n’ont pas forcément accès à toutes les informations nécessaires pour apprécier l’ensemble des stratégies mise en œuvre par le manager sur lequel s’exerce notamment une pression de la hiérarchie, pour atteindre des objectifs. Les risques d’une évaluation erronée de la part des salariés sont donc présents.

–  Selon une étude menée par BVA en 2012, 4% seulement des managers se considèrent plutôt « mauvais ». Or seulement 21% des salariés jugent la relation avec leur manager tout à fait satisfaisante. Cet écart d’appréciation peut être mal vécu par le manager et contribuer à la détérioration du climat de confiance au sein du service.

–  L’anonymat qui prévaut dans l’évaluation à 360 degrés peut déboucher sur des conflits, voire des règlements de compte de la part des salariés envers leur supérieur hiérarchique. A contrario, l’absence d’anonymat créerait tout autant un risque de représailles de la part du manager envers ses collaborateurs.

–  Bien que les salariés ne doivent pas être obligés d’évaluer leur supérieur en principe, certains pourraient s’y sentir obligés par crainte d’être mal perçus par la direction.

Par conséquent, compte tenu des risques que peut comporter le 360 degrés pour la santé et la sécurité des salariés, cette méthode d’évaluation mériterait d’être strictement encadrée tout comme a commencé à l’être la méthode d’évaluation EMS (employee management system) qui s’apparente à la méthode d’évaluation à 180 degrés. Cette dernière comporte une phase d’autoévaluation au cours de laquelle le salarié est invité à s’auto-évaluer avant la tenue d’un entretien contradictoire avec  son supérieur hiérarchique. Ce dernier est amené à l’évaluer à son tour en répondant à tous les points évoqués par le salarié. Ainsi, en vidant l’entretien d’évaluation de son sens et de sa portée, cette méthode a été jugée contraire aux dispositions légales et conventionnelles (TGI Nanterre 12 septembre 2013). Par ailleurs, d’autres méthodes d’évaluation telles que le ranking (classification des salariés en différentes catégories en fonction de leurs performances professionnelles) et le benchmark (mise en concurrence permanente des salariés en comparant publiquement leurs résultats individuels) ont aussi fait l’objet d’un certain encadrement par la jurisprudence (Cass.Soc. 27 mars 2013 ; CA. Lyon. 21 février 2014), même si des progrès restent à être accomplis pour une meilleure protection de la santé des salariés.

Pour FO-Cadres, si l’évaluation peut servir l’entreprise, elle peut aussi être un enjeu pour les cadres, notamment en termes d’évolution professionnelle et de rémunération. Toutefois, les méthodes utilisées ne doivent en aucun cas mettre en danger leur santé et leur sécurité, ni même reposer sur des éléments subjectifs et aléatoires. Pour cela il est nécessaire d’aller plus loin afin de renforcer les droits des cadres :

–  Un accord collectif doit déterminer la méthode d’évaluation choisie, la procédure à respecter, le contenu de l’évaluation et les critères à respecter – Le cadre évalué doit disposer de voies de recours avec l’intervention des représentants du personnel.

–  Les systèmes d’évaluation tels que le benchmark, le ranking et le 360 degrés doivent selon nous être écartés.

–  L’évaluation des salariés doit demeurer une prérogative de l’employeur.

–  Les critères comportementaux comme l’adhésion aux valeurs de l’entreprise, concept fluctuant et souvent attentatoire aux libertés des salariés, ne doivent pas être intégrés dans l’évaluation professionnelle des cadres.

– L’évaluation doit être un moment de réflexion et de dialogue afin de mieux appréhender l’organisation du travail dans sa dimension collective.

– L’évaluation ne doit pas être cantonnée à la seule sphère de l’appréciation de la performance. Elle doit permettre également au cadre de s’exprimer sur ses difficultés et ses projets (formation, carrière, mobilité…).

– Les périodes d’évaluation doivent avoir une fréquence limitée.

– Les dirigeants doivent être formés sur les méthodes et les risques de l’évaluation.

Enfin FO-Cadres soutient que seule une méthode d’évaluation négociée et encadrée sur la base de critères objectifs, en lien direct avec l’emploi occupé et pertinents au regard de la finalité poursuivie (appréciation des compétences professionnelles) peut participer au renforcement de la coopération en consolidant le contrat de confiance entre les cadres et l’entreprise.

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