Plafonnement des indemnités prud’hommales

En mai 2022, la Cour de cassation a validé le plafonnement des indemnités aux prud’hommes, introduit dans le droit du travail par les ordonnances de septembre 2017. Mais en juin le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a enfin rendu une décision concernant la réclamation collective déposée par FO en 2018 : il a reconnu que ce plafonnement violait l’article 24 de la Charte sociale européenne sur le droit à une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée. Et le CEDS a invité les autorités françaises à revoir rapidement leur copie dans un délais de quatre mois.

Quel est le raisonnement du CEDS ?

Force est de constater que le CEDS a donné raison à FO, et in extenso à son argumentation appuyée par les observations de la Confédération Européenne des Syndicats dans le litige. Il a reconnu, à l’unanimité, la violation de l’article 24 de la Charte sociale européenne par la France.

Est-ce que cette décision concerne les cadres ?

Cette décision ne concerne pas particulièrement les cadres même si elle peut avoir un effet sur le resserrement des montants des indemnités. Le sujet concerne plus particulièrement les salariés
avec de faibles anciennetés. Aucune donnée particulière ne semble disponible sur un éventuel impact exacerbé du barème sur les cadres auquel la décision pourrait éventuellement s’opposer.

Après le jugement de la Cour de cassation du 11 mai dernier, qui valide le barème Macron, est-ce que la décision du CEDS relance la contestation juridique. Et comment ?

La décision du Comité Européen des Droits Sociaux est une étape marquante dans le combat de FO contre le barème Macron mais ce n’est pas une fin en soi. Elle appuie nos revendications vis-à-vis des autorités françaises pour revoir la législation. Le récent rapport de l’OIT à la suite de la plainte déposée conjointement par la CGT et FO contre les ordonnances Travail va dans le même sens. Si le gouvernement français ne respecte pas l’obligation qu’il s’est lui-même fixée en ratifiant l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne et le protocole additionnel instituant la procédure de réclamation collective, FO se saisira des recours possibles, notamment devant le Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
Côté juridique, la contestation est toujours un combat de longue haleine. Il est possible que la Cour de cassation effectue un revirement de jurisprudence, mais cela prendra beaucoup de temps. Néanmoins, la décision du CEDS devrait nourrir un dialogue entre les juges pour aboutir à la solution la plus satisfaisante dans le respect de la hiérarchie des normes.
Si la décision du CEDS ne s’impose pas automatiquement par rapport à la décision de la Cour de cassation, la responsabilité de l’État peut être engagée du fait des lois contraires aux engagements internationaux, comme le reconnaît le Conseil d’État.

FO va-t-il mettre le sujet sur la table des négociations prévues pour la rentrée ?

Les autorités françaises ont jusqu’au 26 septembre prochain pour mettre la législation en conformité avec la décision du CEDS afin de garantir le respect de l’article 24 de la Charte sociale européenne. Elles sont libres d’impliquer ou non les interlocuteurs sociaux pour revoir la copie du barème. Après ce délai, les autorités françaises n’auront plus d’autre choix que de se mettre en conformité et pourront une nouvelle fois engager ou non un dialogue avec les interlocuteurs sociaux, dans le respect de l’article L1 du Code du travail. En cas d’inaction, FO mènera toutes les actions nécessaires pour veiller au respect du droit social international.

Source : Lettre de FO Cadres décembre 2022

Barème des indemnités prud’homales : le CEDS persiste et signe face à la Cour de cassation

Le combat sera long mais l’OIT et le CEDS donnent aux juridictions du fond le moyen de résister face à une réforme injuste et inacceptable, destinée principalement à sécuriser les employeurs.

Dans une précédente décision en date du 23 mars 2022, à la suite de la réclamation de FO, le CEDS a conclu à la violation de l’article 24.b de la Charte sociale européenne au motif que le droit à une indemnisation adéquate ou à toute autre réparation appropriée au sens de l’article 24.b de la Charte n’était pas garanti par le droit français.

Dans une décision en date du 30 novembre 2022, le CEDS maintient sa position en considérant que « du fait que dans l’ordre juridique interne français, l’article 24 ne peut être directement appliqué par les juridictions nationales pour garantir une indemnisation adéquate aux travailleurs licenciés sans motif valable, le droit à une indemnité au sens de l’article 24.b de la Charte n’est pas garanti en raison des plafonds fixés par l’article L 1235-3 du Code du travail » (réclamation n°175/2019).

Le CEDS en profite pour critiquer la position de la Cour de cassation dans ses arrêts du 11 mai 2022 (n°21-14 490 et 21-15 247).

Pour rappel, la Cour de cassation a considéré que les décisions du CEDS ne sont pas de nature juridictionnelle et ne sont donc pas contraignantes pour les États parties et que son article 24 n’a pas d’effet direct en droit français. Tout cela a conduit la Cour de cassation à conclure que l’article 24 de la Charte ne peut pas être invoqué par les travailleurs ou les employeurs dans les litiges portés devant les tribunaux.

Pour écarter le barème français, le CEDS donne un véritable mode d’emploi, qu’il appartient, en théorie, à la Cour de cassation de suivre : « Le Comité prend note de l’approche adoptée par la Cour de cassation. Il rappelle que la Charte énonce des obligations de droit international qui sont juridiquement contraignantes pour les États parties et que le Comité, en tant qu’organe conventionnel, est investi de la responsabilité d’évaluer juridiquement si les dispositions de la Charte ont été appliquées de manière satisfaisante. Le Comité considère qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer sur la question en cause à la lumière des principes qu’il a énoncés à cet égard ou, selon le cas, qu’il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la Charte des dispositions internes en cause.« 

Si on ajoute à cette décision du CEDS l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 21 octobre 2022, qui a fait œuvre de résistance en jugeant qu’au regard de la situation particulière du salarié, il y avait lieu d’écarter le barème prévu à l’article L 1235-3 du Code du travail, on comprend que les juridictions du fond ont tout intérêt à continuer de résister à la Cour de cassation

[Droit] Le barème des indemnités de licenciement remis en cause par trois décisions de conseil des prud’hommes

Six jours après la décision du Conseil des prud’hommes (CPH) de Troyes du 13 décembre 2018, c’était au tour de celui d’Amiens d’invoquer, le 19 décembre 2018, le droit international pour invalider le plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement sans causes réelles et sérieuses. Et ce n’est pas fini : le 21 décembre 2018, le CPH de Lyon est entré dans la danse.

C’est une épidémie ! On va bientôt pouvoir faire une carte comme pour la grippe, s’est exclamé un twittos en apprenant la décision du Conseil des Prud’hommes de Lyon de ne pas respecter le plafonnement prud’homal des dommages et intérêts introduit par les ordonnances Macron. La décision a été rendue le 21 décembre 2018. Le jugement s’est appuyé sur l’article 24 de la charte sociale européenne qui pose le principe suivant : en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

Et de trois donc ! Car la décision lyonnaise arrive après celle du Conseil des Prud’hommes de Troyes, puis celle de celui d’Amiens qui ont considéré que le barème pour les licenciements abusifs ou sans cause réelles et sérieuse, est contraire au droit international. À Amiens, les juges prud’homaux ont invoqué l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ainsi que deux arrêts de la Cour de cassation.

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[Fiche] Le conseil des prud’hommes

Qu’est-ce que le conseil de prud’hommes ?

C’est le tribunal compétent pour régler tout litige survenant entre l’employeur et le salarié (congés payés, salaires, licenciement, par exemple).

Divisé en 5 sections correspondant aux différents secteurs d’activités (encadrement, industrie, commerce et services commerciaux, agriculture, activités diverses), chaque conseil de prud’homme est composé d’un nombre égal de conseillers représentant les employeurs et de conseillers représentant les salariés.

Les conseils de prud’hommes sont ainsi les « juges du travail ».

Elus par les salariés et les employeurs, les conseillers prud’hommes sont eux-mêmes issus du monde du travail.

Les conseillers prud’hommes sont élus tous les 5 ans.

Les employeurs et les salariés élisent le même nombre de conseillers. On dit ainsi que la juridiction est paritaire. FO présente à chaque élection des candidats dans tous les conseils et dans toutes les sections. Ces conseillers sont formés en droit du travail tout au long de leur mandat. Ainsi, ils rendent une justice du travail de qualité.

Comment saisir le conseil de prud’hommes ?

Il faut adresser une demande au greffe du conseil de prud’hommes soit personnellement en se présentant, soit par lettre recommandée AR.

La plupart du temps, il existe des pré imprimés qu’il suffit de remplir.

Le syndicat peut vous aider à remplir votre demande. Il peut vous aider d’une part, à étudier votre dossier et voir si vous avez des chances de faire valoir vos droits, d’autre part à chiffrer vos demandes. Si vous le souhaitez, il peut vous assister devant le conseil de prud’hommes.

Prud’hommes : Comment se déroule la procédure ?

Il y a d’abord, une audience initiale qu’on appelle « la conciliation ».

Comme son nom l’indique, elle a pour objet de tenter de concilier les parties. Mais elle a aussi pour rôle de mettre le dossier en état d’être jugé.

C’est ainsi que le bureau de conciliation peut ordonner à l’employeur la remise de certains documents.

En l’absence de conciliation ou en cas de conciliation partielle, le bureau de conciliation  renvoie l’affaire au bureau de jugement .

Les parties (employeur et salarié) sont alors convoquées à une audience de jugement. Elles doivent comparaître en personne.

Il est toujours possible pour le salarié de se faire assister d’un avocat, ou d’un défenseur syndical.

 Chaque Union départementale FO dispose au sein de sa commission juridique de défenseurs syndicaux devant les prud’hommes. Ces « défenseurs » sont des salariés qui ont été spécifiquement formés au droit du travail, à la rédaction des conclusions et à la plaidoirie.

Ils peuvent prendre en charge votre dossier, l’étudier, rédiger les conclusions et plaider votre affaire devant le conseil de prud’hommes.

Plafonnement des indemnités devant les prud’hommes : on touche le fond !

Alors que les chiffres du chômage montrent mois après mois une hausse continue du nombre de demandeurs d’emploi prouvant ainsi l’immense inefficacité des politiques d’austérité jusqu’ici privilégiées, le gouvernement a choisi de poursuivre sa déréglementation sociale dans le cadre du projet de loi Macron en plafonnant le montant des indemnités pour licenciement abusif.

Une mesure que FO-Cadres avait dénoncée dès le 20 avril dans un communiqué de presse, en raison des propos tenus par le président de la République dans l’émission « Le Supplément » de Canal +.

FO-Cadres avait souligné la volonté du gouvernement d’aller au-delà du référentiel indicatif initialement prévu et pourtant déjà préjudiciable aux droits des salariés.

Ainsi, en créant un barème pour les indemnités accordées par les juges prud’homaux en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le gouvernement met à mal les fondamentaux du droit du travail et le nécessaire encadrement du licenciement. Une disposition rétrograde qui institutionnalise l’insécurité juridique des salariés au profit de la sécurité juridique des employeurs.

Si les pouvoirs publics peuvent envisager des dispositions qui sanctionnent aussi faiblement l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement et méprisent au passage la fonction essentielle de réparation du préjudice devant la justice prud’homale, quand franchiront-ils le pas de ne plus demander aux employeurs de justifier d’un motif de licenciement ?

A ce stade des débats parlementaires, les fautes de l’employeur d’une particulière gravité permettraient encore au juge de dépasser les plafonds, mais jusqu’à quand ? Soulignons que les situations de résiliation judiciaire ou de prise d’acte de la rupture et donc pour des manquements suffisamment graves de l’employeur, seront également concernées par la barémisation des indemnités !

Pour cela, FO-Cadres demande la suppression de ce plafonnement et rappelle son opposition au projet de loi Macron dont les mesures régressives ne parviendront pas à relancer la croissance économique créatrice d’emploi.

Source : FO Cadres