Le licenciement d’un salarié fondé sur le contenu d’une attestation délivrée dans le cadre d’une action en justice est nul, sauf en cas de mauvaise foi de celui-ci. Et la mauvaise foi répond à une définition bien précise, ainsi que le rappelle la Cour de cassation.
Deux salariés demandent la nullité de leur licenciement lié à un témoignage en faveur d’un mineur ayant agressé un collègue
Dans cette affaire, deux salariés d’une entreprise de sécurité opérant dans la Cité judiciaire de Dijon ont été licenciés, pour avoir notamment manqué à leur obligation de loyauté.
Leur employeur leur reprochait d’avoir délivré une attestation de moralité à un mineur condamné pour des faits de violence commis sur un de leurs collègues à la Cité judiciaire de Dijon, dans le cadre de l’appel formé par ce mineur, et ce quelques jours avant l’audience d’appel.
Il faut préciser que ce collègue victime et la société s’étaient portés parties civiles au procès pénal.
Dans leurs attestations, les salariés identifiaient le mineur inscrit dans la procédure pénale et certifiaient qu’ils n’avaient jamais eu avec lui de difficultés dans le cadre professionnel lors de ses passages à la Cité Judiciaire de Dijon.
Les salariés ont saisi la justice pour obtenir la nullité de leur licenciement. Ils arguaient que celui-ci portait atteinte à leur liberté fondamentale de témoigner.
Un usage abusif de la liberté de témoigner pour la cour d’appel
La cour d‘appel a considéré que les deux salariés, en témoignant, dans le cadre d’une initiative conjointe et concertée, avaient cherché à déstabiliser la défense de leur collègue, auquel ils étaient hostiles, et celle leur employeur, qui venait de les mettre en garde dans des termes évocateurs d’une rupture de confiance.
Les juges d’appel ont en effet relevé que les deux salariés avaient cherché, en 2013, à faire perdre son emploi à leur collègue en lui reprochant d’être « arabe » et lui avaient demandé d’agir avec eux pour faire perdre un marché de gardiennage à leur employeur, dont le responsable ne leur plaisait pas en raison de son origine « camerounaise ».
Selon eux, les témoignages ne pouvaient avoir aucun intérêt pour la manifestation de la vérité et les salariés étaient « loin de vouloir apporter de bonne foi leur concours à la justice ».
La cour d’appel a alors estimé que, par cette attitude empreinte de mauvaise foi, les salariés avaient fait un usage abusif de leur liberté de témoigner en justice. En conséquence, le reproche de déloyauté émis par leur employeur n’était pas constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale.
La cour d’appel juge donc le licenciement des salariés justifié.
À tort, puisque la Cour de cassation casse l’arrêt.
Sans mauvaise foi caractérisée par la connaissance de la fausseté des faits relatés, le licenciement est nul
La Cour de cassation rappelle que la liberté de témoigner est une liberté fondamentale garantie par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Elle rappelle également que le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur (cass. soc. 29 octobre 2013, n° 12-22447, BC V n° 252).
Pour mémoire, la mauvaise foi n’est caractérisée que s’il est démontré que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits rapportés (cass. soc. 8 juillet 2020 n° 18-13593 FSPB ; cass. soc. 13 janvier 2021 n° 19-21138 FPB).
Or, en l’espèce, la cour d’appel n’a pas caractérisé la connaissance par les salariés de la fausseté des faits relatés.
Par conséquent, la mauvaise foi des salariés n’était pas établie. Et en l’absence de mauvaise foi établie, la cour d’appel ne pouvait pas refuser d‘annuler le licenciement des salariés.
L’affaire sera rejugée devant une autre cour d‘appel.
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