Rupture conventionnelle et clause de non-concurrence

Lorsque l’employeur et le salarié concluent une rupture conventionnelle individuelle, l’employeur qui veut renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention de rupture, quelles que soient les stipulations ou dispositions contraires.

Rappels sur la renonciation à une clause de non-concurrence

Possibilité prévue par le contrat de travail ou la convention collective. – En l’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail d’une directrice des ventes prévoyait que celle-ci était tenue par une obligation de non-concurrence qui s’appliquerait pendant 1 an à compter de la rupture effective du contrat de travail.

La clause indiquait également que l’employeur avait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant à celle-ci. Pour ce faire, il était mentionné qu’il lui fallait notifier sa décision au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d’un mois à compter de la fin du préavis. En l’absence de préavis, le délai courait à compter de la notification du licenciement.

En effet, si l’employeur peut renoncer à l’application de la clause de non-concurrence, et ainsi se libérer de son obligation de verser l’indemnité de non-concurrence prévue, il faut :

-que cette possibilité soit expressément prévue par le contrat de travail ou la convention collective (le contrat de travail doit alors s’y référer) (cass. soc. 4 juin 1998, n° 95-41832, BC V n° 299 ; cass. soc. 28 mars 2007, n° 06-40293 D) ;

-que l’employeur respecte le délai et le formalisme prévu par le contrat et/ou la convention collective (cass. soc. 21 octobre 2020, n° 19-18399 D).

En tout état de cause, la renonciation de l’employeur doit être expresse, claire et sans équivoque. Elle ne se présume pas (cass. soc. 12 juillet 1989, n° 86-41668, BC V n° 519).

Renonciation à faire dans un délai précis ou au moment de la rupture.

La clause de non-concurrence peut préciser si l’employeur doit renoncer à la clause au moment de la rupture du contrat de travail ou dans un certain délai après celle-ci. Le point de départ de ce délai varie alors en fonction du type de rupture (licenciement, démission, etc.).

Le cas échéant, le délai de renonciation doit être précis et l’employeur doit s’y conformer (cass. soc. 13 juillet 2010, n° 09-41626, BC V n° 174 ; cass. soc. 25 novembre 2009, n° 08-41219, BC V n° 266).

Attention : lorsque ni le contrat de travail ni la convention collective ne fixent de délai de renonciation, celle-ci doit avoir lieu au moment où le contrat est rompu faute de quoi l’employeur ne pourra pas être dispensé de verser la contrepartie financière de cette clause.

Renoncer à une clause de non-concurrence dans le cadre d’une rupture conventionnelle individuelle

Date de fin de contrat en cas de rupture conventionnelle. – L’employeur et le salarié qui conviennent d’une rupture conventionnelle individuelle (RCI) fixent la date de la rupture du contrat de travail dans la convention de rupture. Cette date de fin de contrat ne peut pas intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation (c. trav. art. L. 1237-13).

En revanche, l’employeur et le salarié peuvent convenir de la différer après l’homologation de la convention de rupture, jusqu’à une date qui leur convient et qu’ils fixent précisément (CA Rouen, 2 octobre 2012, n° 11-03752). Attention, il ne s’agit pas là d’un préavis (circ. DGT 2009-4 du 17 mars 2009).

Date à prendre en compte en cas de renonciation à la clause de non-concurrence. – Dans une affaire où la clause de non-concurrence prévoyait que l’employeur pouvait renoncer à son application « au plus tard dans les quinze jours qui suivent la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail », la Cour de cassation avait considéré que ce délai avait pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de RCI (cass. soc. 29 janvier 2014, n° 12-22116, BC V n° 35). En d’autres termes, en matière de renonciation à une clause de non-concurrence dans le cadre d’une RCI, la date « de référence » est celle de la rupture fixée par la convention de rupture.

À noter : la convention de rupture conventionnelle peut régler le sort de l’obligation de non-concurrence ou fixer les modalités de renonciation à celle-ci.

Pour trancher la nouvelle affaire qui lui était soumise, la Cour de cassation rappelle cette jurisprudence. Elle indique, dans son arrêt du 26 janvier 2022, qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur qui « entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires ».

En l’espèce, la convention de rupture avait été signée le 27 mars 2015, avec effet au 5 mai 2015. Elle ne réglait pas le sort de la clause de non-concurrence et l’employeur y avait renoncé le 11 septembre 2015.

Pour la Cour de cassation, cette renonciation était tardive et l’employeur devait verser au salarié l’indemnité de non-concurrence. Ce faisant, elle ne tient pas compte du délai de renonciation qui était inscrit dans la clause de non-concurrence, dans la mesure où celle-ci se référait à un préavis qui n’existe pas en matière de rupture conventionnelle individuelle (voir ci-avant).

L’indemnité de non-concurrence était due sur l’année suivant la rupture du contrat de la salariée et pas seulement du 5 mai 2015 au 11 septembre 2015 comme l’avait jugé la cour d’appel.

À noter : la Cour de cassation applique ainsi, au cas d’une renonciation à une clause de non-concurrence intervenant dans le cadre d’une RCI, sa jurisprudence relative à la renonciation à une clause de non-concurrence intervenant dans le cadre d’une rupture du contrat de travail avec dispense de préavis (cass. soc. 13 mars 2013, n° 11-21150, BC V n° 72). Le principe directeur est que le salarié ne doit pas être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

Indemnité de congés payés et indemnité de non-concurrence
Un autre point de l’affaire jugée le 26 janvier 2022 concernant l’indemnité de congés payés attachée à l’indemnité de non-concurrence, que la cour d’appel avait refusée au salarié. Les juges avaient motivé leur refus en expliquant que l’indemnité de non-concurrence, versée après la rupture du contrat, n’ouvrait pas droit à congés payés.Sur ce point, la Cour de cassation casse également l’arrêt des juges d’appel, et rappelle que l’indemnité de non-concurrence ayant la nature de salaire, elle ouvre droit à l’indemnité de congés payés (cass. soc. 26 janvier 2022, n° 20-15755 FSB). Sur ce point, la Cour ne fait que reprendre une jurisprudence bien établie (cass. soc. 17 mai 2006, n° 04-47597, BC V n° 177 ; cass. soc. 23 juin 2010, n° 08-70233, BC V n° 145).

Cass. soc. 26 janvier 2022, n° 20-15755 FSB

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