La preuve déloyale ou illicite est admise… les stratagèmes sont sanctionnés!

Sous l’impulsion de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), la Cour de cassation a reconnu, assez récemment, qu’une preuve illicite (ex : preuve portant atteinte à la vie privée comme des photos provenant du compte privé Facebook d’un salarié ou d’une messagerie personnelle) ou déloyale (preuve obtenue de manière clandestine, accès à une messagerie professionnelle entre collègues au moyen d’un mot de passe n’appartenant pas au salarié : Cass. soc., 11-9-24, n°23-11658 : pour la preuve d’un harcèlement moral) peut être admise dans un procès prud’homal si la production de cette preuve est indispensable à l’exercice du droit à la preuve, et que l’atteinte aux droits est proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 30-9-20, n°19-12058 ; Cass. soc., 25-11-20, n°17-19523 ; Cass. Ass plén., 22-12-23, n°20-20648 et n°21-11330).

En présence d’une preuve illicite ou déloyale, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur (ou le salarié) et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur (ou le salarié) ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Si la production de la preuve (ex : vidéosurveillance illicite, mail privé ou compte Facebook privé, enregistrement vidéo/audio clandestin…), considérée comme une preuve illicite ou déloyale, n’est pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur ou du salarié dès lors que celui-ci disposait d’une autre preuve (ex : un audit) qu’il n’a pas versée aux débats, celle-ci ne peut être admise (Cass. soc., 8-3-23, n°21-17802).

Si la preuve doit toujours être obtenue loyalement ou de manière licite pour pouvoir être produite librement en matière civile, de « rares » exceptions (qui le sont de moins en moins à la lecture des différents arrêts de la Cour de cassation) admettent qu’une preuve illicite ou déloyale puisse être retenue.

Si la preuve produite peut être déloyale ou illicite dans certaines circonstances, il ne faut pas que cette preuve soit obtenue au moyen d’un stratagème visant à piéger le salarié ou à provoquer la commission d’une faute (Cass. soc., 26-2-25, n°22-24474).

En l’espèce, un employeur avait licencié pour faute grave un salarié accusé d’avoir divulgué des données hautement confidentielles à une entreprise tierce. Pour justifier ce licenciement, l’employeur avait produit la retranscription d’enregistrements vidéo réalisés dans les locaux de l’entreprise, à l’insu du salarié. Le salarié contestait son licenciement, invoquant une atteinte à sa vie privée.

La Cour de cassation a admis ce mode de preuve, estimant que, bien que les enregistrements aient été obtenus de manière déloyale, ils étaient indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnés au but poursuivi : la protection des intérêts légitimes de l’employeur en matière de confidentialité de ses affaires.

Dès lors que l’employeur n’avait mis en place aucune manœuvre frauduleuse, les conversations strictement professionnelles, sur lesquelles l’employeur s’appuyait, obtenues à la suite d’un enregistrement vidéo dans l’entreprise à l’insu du salarié étaient recevables dans la mesure où elles étaient justifiées par un intérêt légitime, indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et respectaient le principe de proportionnalité.

Pour rappel, en matière pénale, aucune disposition légale ne permet au juge pénal d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale (Cass. crim., 31-1-12, n°11-85464).

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